Les nouvelles guerres froides selon Ludovic Subran
Lundi 16 octobre au Métropole Monte-Carlo, le Chef économiste d’Allianz était l’invité du Monaco Economic Board afin de livrer son diagnostic sur la situation macroéconomique mondiale. Un tour d’horizon particulièrement instructif dans la mesure où les crises qui secouent le monde ont débouché sur des situations inédites.
Devant une centaine de décideurs monégasques, Ludovic Subran a d’abord fait un rapide tour d'horizon de la situation mondiale impactée par de nombreux foyers de tensions et des crises dont les conséquences sont encore palpables. “Je visualise les trois dernières années comme un changement radical de paradigme”. Ces bouleversements ont conduit à une certaine forme d’économie de guerre “c’est à dire du rationnement et de la sobriété, de la réallocation de capital vers l’effort de guerre, par exemple pour le contrôle de prix de l’énergie, et enfin de la monétisation de la dette” (financement par création monétaire).
En plus des guerres « chaudes » (Ukraine mais aussi crise Covid, classifiée ainsi par la forme des réponses apportées par les États) se dessinent ou se confirment des situations de guerres « froides », telles que la rivalité sino-américaine mais également le changement climatique ou le vieillissement de la population (là aussi, ainsi classifiée du fait des réponses des États). Les outils mis en place par les gouvernements face à ces situations sont l’interventionnisme, le protectionnisme et le légalisme. Les conséquences ? “Certainement moins de croissance, une inflation persistante et pour les entreprises, une obligation de vigilance accrue afin de limiter les risques, notamment dans leurs chaines d'approvisionnement et leur financement.
Pour compliquer encore la situation, 2024 promet d’être longue pour les prévisionnistes tant le nombre d’élections cruciales est important et va peser sur l’économie mondiale, à commencer par celles aux Etats-Unis en novembre, ce qui va favoriser une attitude attentiste des entreprises.
L’économiste estime d’ailleurs que le retour de Donald Trump est très possible, ce qui aurait pour conséquences une instabilité mondiale accrue : surchauffe de l’économie américaine, intensification de la guerre commerciale avec la Chine mais également avec les États qui ont prêté une forme d'allégeance avec l’Empire du Milieu, probable désengagement en Ukraine et enfin un différentiel accru avec l’Europe concernant les normes ESG sur lesquelles “l’homme à la mèche” est très critique. “Une élection donc loin d’être anodine” conclut Ludovic Subran.
Au sujet du dérèglement climatique, « sujet économique très ardu (...) on sait notamment que chaque État doit investir trois points de PIB par an pour atteindre les objectifs des accords de Paris ». Même en cas d'atteinte de cet objectif, les épisodes extrêmes sont inévitables et les conséquences sur l’activité importantes. Ainsi en Espagne, les canicules auraient coûté un point de PIB en 2023 et les perspectives du géant démographique indien sont mises à mal par sa vulnérabilité climatique.
Quant à l’inflation, une confirmation de la baisse se dessine, mais plus lentement que prévu et sans passer sous les 2%, et ce, en raison du ralentissement de l’économie mondiale mais également de l’action des banques centrales qui devraient commencer à baisser leur taux que fin 2024. Les États devront donc se serrer la ceinture pour ne pas être étranglés par la dette.
Enfin, impossible de ne pas évoquer le sujet du moment : l’intelligence artificielle. Les inégalités mondiales ne seraient pas près de s’arrêter. Des pans entiers d’activités voire des pays pourraient subir de plein fouet leur manque de préparation à cette révolution.
Une nouvelle fois passionnante, cette conférence de Ludovic Subran, organisée en partenariat avec Monaco Asset Management et la Jeune Chambre Économique de Monaco, a éclairé les membres présents sur de nombreux sujets, combinant analyses globales et exemples concrets avec érudition et humour. Un cocktail des plus convivial a conclu la soirée permettant aux invités de se retrouver mais également d’échanger avec l’économiste, toujours ravi de rencontrer les entrepreneurs monégasques.
de g. à d. Gian Luca Braggiotti, Président Délégué de Monaco Asset Management ; Marie-Gisèle Fringant, Présidente de la JCE Monaco ; Ludovic Subran, Chef-Économiste d'Allianz ; Michel Dotta, Président du MEB ; Anthony Stent-Torriani, Administrateur Délégué de Monaco Asset Management ; Guillaume Rose, Directeur Général Exécutif du MEB. (crédits : MEB / Landry Basile)