Ludovic Subran décrypte l'évolution de l'économie mondiale et les choix de diversification des pays du Golfe
Lundi 14 octobre au Fairmont Monte-Carlo, le Monaco Economic Board, en partenariat avec Monaco Asset Management et la Jeune Chambre Economique de Monaco, a organisé une conférence donnée par Ludovic Subran, Chef Économiste du Groupe Allianz, sur le thème "Les pays du Golfe : du pétrole au savoir". Une région à fort potentiel que le MEB souhaite continuer à explorer.
Si cette conférence avait pour objet premier d’éclairer les membres du MEB sur les enjeux et potentialités des pays du Golfe, et en particulier ceux de la péninsule arabique, il aurait été dommage de ne pas recueillir une analyse plus large de la situation macroéconomique mondiale par un spécialiste du niveau de Ludovic Subran, fidèle intervenant pour le MEB depuis plus de 10 ans, mais aussi orateur et pédagogue hors pair.
Le chef économiste d’Allianz Group a ainsi introduit son exposé par un aperçu assez attentiste sur l’état du monde : “On a réussi à tuer l’inflation, du coup il y a de la croissance, tout cela a plutôt bien marché, mais la suite dépend du 5 novembre”. À savoir, les élections américaines particulièrement incertaines. Pour Ludovic Subran, la FED ne pourra continuer à baisser ses taux si Donald Trump est élu ce qui pourrait sonner le retour de l’inflation (barrières douanières, politique anti-immigration qui font monter les salaires...) et à moyen terme conduire possiblement à une nouvelle crise, notamment dans l’immobilier. Bref, l'atterrissage en douceur de l’économie mondiale prévu pour 2025 ne serait plus d’actualité. L'hypothèse d’une élection de la démocrate Kamala Harris serait moins déstabilisante mais pas forcément beaucoup plus favorable pour l'Europe comme l’a montré l’Inflation Reduction Act de Joe Biden.
L’économiste s’est penché ensuite sur la situation des autres grandes économies mondiales. Si l’Allemagne et le Japon restent en récession, en France, “l’austérité arrive les amis !”, ce qui pourrait conduire, là aussi, à une récession. La Chine, minée par une déflation chronique, vient de déclencher un puissant stimulus domestique qui s’annonce majeur, “c’est une bonne nouvelle pour les exportateurs”. Tel que l’Italie, devenue le 4e exportateur industriel mondial et qui bénéficie d’un budget en excédent primaire. Pour autant, partout en Europe, les investissements sont largement insuffisants en raison d’une confiance en berne.
Concernant la zone de la thématique du jour, les prévisions de croissance pour les pays du CCG* sont encourageantes (+4% en 2025, +4,2% en 2026) malgré une baisse des cours du pétrole mais tirés par une hausse de la production. Une situation qui permet à ces pays de poursuivre leur mue vers une économie plus diversifiée. Ludovic Subran résume ainsi cette transformation : ”il y a d’abord eu les pétrodollars qui ont profité surtout aux Américains qui ont participé aux constructions des infrastructures. Puis une première diversification s’est mise en place, en particulier dans le commerce et l’immobilier avec l’essor de Dubaï. Puis une nouvelle phase a vu se développer les investissements à l’étranger à l’aide des fonds souverains”. Dans l’immobilier dans un premier temps, mais de plus en plus vers les nouvelles technologies ce qui permet d'élaborer des projets très ambitieux dans leurs pays comme la ville futuriste de Neom en Arabie Saoudite. “On sait que tout ne va pas marcher tout de suite, mais ils ont le temps avec eux” affirme Ludovic Subran. Ainsi même si dans le secteur de la transition énergétique “on voit encore beaucoup de greenwashing, mais petit à petit, ils y arrivent”. Avec en ligne de mire, la capacité d’exporter des services en s’inspirant de modèles tels que Singapour. Ce mouvement va de pair avec une transformation générationnelle des mentalités et l’éclosion d’une classe moyenne qui pose des défis sur la gouvernance sociale des Etats.
D’un point de vue monétaire, ces pays restent liés au dollar mais à moyen terme “cela n’est pas tenable” car ces États sont particulièrement attentifs à l’inflation, ce qui crée des distorsions avec la politique monétaire de la FED. ”On arrive à une situation où le pays le plus riche du monde est en récession à cause des taux américains !” Conseil de l’économiste face à cette situation : “Si vous êtes investisseurs, faites tout pour travailler en Euro”.
Enfin Ludovic Subran s’est penché sur le nouveau corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe ; des infrastructures qui ambitionnent de devenir une alternative à la nouvelle route de la soie chinoise et au canal de Suez, ce qui constitue un autre champ d’opportunités pour la région.
Des opportunités parmi d’autres, que le MEB s’efforcera de faire bénéficier aux entreprises de la Principauté dans les mois à venir.
Crédits photos : MEB / P.H. Sébastien Darrasse
Ludovic Subran entouré par les dirigeants du MEB (à droite), MM. Michel Dotta, Président, Guillaume Rose, Directeur Général Exécutif, Justin Highman, Directeur Général Adjoint ; et des dirigeants des sponsors à gauche, Monaco Asset Management avec MM. Gian Luca Braggiotti, Président Délégué et Anthony Stent Torriani, Administrateur Délégué et JCE Monaco avec Clément Maréchal, Président