Un train tous les quarts d'heure pour Noël ?

Selon la région Sud, la fréquence des TER entre Nice et Monaco doit passer à tous les quarts d’heure dès le 15 décembre 2024.

Si une amélioration significative du trafic ferroviaire était attendue à partir de juin 2025 avec l’arrivée du nouvel opérateur Transdev, qui met un terme au monopole de la SNCF sur les trains régionaux, la situation pourrait s’améliorer pour les usagers dès la fin 2024.  C’est en tout cas ce que promet Jean-Pierre Serrus, Vice-Président en charge des transports et de la mobilité durable à la Région Sud, avec un train TER tous les quarts d'heure (contre un par demi-heure jusqu'alors). « Ce ne sont pas des promesses, ce sont des engagements. Je demande simplement à être jugé sur pièce, je donne rendez-vous aux usagers le 15 décembre », a-t-il déclaré mi-mars au micro de France bleu Azur. « Le cadencement au ¼ d’heure toute la journée en semaine et le week-end (de 6h à 21h30) sur l’axe Cannes-Menton sera effectif à partir du 15 décembre 2024. Cette nouvelle offre coïncide avec le démarrage de l’exploitation du nouveau contrat de service public conclu avec SNCF Sud Azur », précise-t-on à la Région Sud. Une bonne nouvelle pour les usagers et pour l’État monégasque, qui renforce de facto son plan mobilité.

« Le TER, seule solution »

« La seule et vraie solution efficace et décarbonée, et qui draine un nombre important de voyageurs, c’est le TER. Il ne faut pas se voiler la face », rappelle Céline Caron-Dagioni, estimant que le report modal des véhicules vers le TER est l’une des clés indispensables à la gestion de notre trafic transfrontalier.

A la gare de Monaco, la troisième plus importante de la région Sud, un record de fréquentation a été franchi en 2023 avec 7,8 millions de voyageurs, en hausse de 4% par rapport au pic de 2019, avant la pandémie de Covid-19. La gare de Monaco canalise 8 % du trafic régional enregistré en 2022 (10,3 % en 2019), avec 92 passages de TER chaque jour. « Avec les annonces d’un train tous les quarts d’heures dès décembre 2024, on se prépare à la gare de Monaco à un accroissement de voyageurs. Dix millions d’euros d’investissements sont prévus d’ici à 2030 pour mieux les accueillir, afin notamment de renouveler les ascenseurs et les escaliers mécaniques », explique Fabrice Morenon, directeur général de SNCF Hubs & Connexions en charge de la gestion de la gare de Monte-Carlo.

Une pétition dénonçant les conditions de transport

Pour espérer atteindre les 11,5 millions de voyageurs/an et faire en sorte que les automobilistes abandonnent vraiment la voiture pour le TER, il n’y a pas d’autre choix que d’augmenter la cadence des TER. C’est ce que réclament le millier d’usagers qui ont signé la pétition exigeant « que la SNCF propose des solutions concrètes pour les pendulaires entre Nice et Monaco » : « Nous vivons tous la même chose. Les quais sont bondés, nous devons jouer des coudes pour entrer dans le train quand nous avons la chance de pouvoir y entrer ! Matin et soir ! » dépeignent les pétitionnaires, prenant l’exemple du « minuscule train de 18h09 où les gens sont entassés les uns sur les autres sans compter malaises et personnes qui restent à quai à devoir attendre le prochain… » Autre motif de contrariété : « Nous payons un abonnement qui augmente chaque année pour une prestation de service plus que médiocre. Beaucoup d'usagers ne peuvent même pas monter dans les trains et accumulent des retards auprès de leurs employeurs. Ces derniers ont de plus en plus du mal à recruter pour cette même raison… »

Le Gouvernement monégasque a lui aussi clairement exprimé son mécontentement auprès de la SNCF. Le Ministre d’État Pierre Dartout a envoyé un courrier officiel « appelant un chat un chat ». « Le service rendu n’est pas à la hauteur de ce que nous payons. Nous avons donc arrêté de payer», raconte Céline Caron Dagioni évoquant les discussions techniques actuelles avec la Région et SNCF voyageurs.  

Doublement de l’offre avec Transdev

 « On avait le plus mauvais réseau de France avec un taux de ponctualité de 80%, 100 jours de grève par an, 10 à 12% des trains qui ne partaient pas », a d’ailleurs admis le Président de la Région Sud, Renaud Muselier, lors de sa visite des nouvelles rames. C’est pourquoi la Région n’a pas hésité à changer d’opérateur dès que possible, avec l’ouverture du TER à la concurrence.

Dans son cahier des charges, le nouveau concessionnaire Transdev s’est alors engagé à une offre de transport doublée et à une ponctualité de 97,5%. Sur la ligne Cannes-Nice-Monaco, « on aura un train tous les quarts d’heure de 6 heures à 23 heures. Ce sera le premier RER métropolitain hors Paris !», s’est enthousiasmé publiquement Renaud Muselier il y a quelques mois, reprenant la formule choc d’Emmanuel Macron. Avec 13 projets de RER métropolitains, l’Élysée souhaite booster l’adoption des transports collectifs avec des trains régionaux cadencés toutes les demi-heures, voire tous les quarts d'heure aux heures de pointe, pour desservir les alentours des grandes villes. Le modèle ? Le RER développé en région parisienne sous l'impulsion de Charles de Gaulle, qui s'est étendu dans les années 60.

Un service de transport plus qualitatif ?

Le nouveau contrat de concession de service public prévoit la construction d’un centre de maintenance pour son entretien, situé à proximité de la gare de Nice. Ce qui doit permettre une disponibilité totale des rames, notamment en périodes de pointe. La région annonce l’acquisition de 16 nouveaux trains de 400 places, avec 12 emplacements vélo par rame, un accès wifi et des espaces de restauration mais aussi de la vidéo-surveillance et une présence humaine renforcée… A noter que la région Sud investit près de 150 millions d’euros chaque année pour le TER (investissements concernant à la fois le matériel ferroviaire, les aménagements de pôles d’échange multimodaux ou encore la modernisation du réseau ferroviaire). En 2023-2024, l’effort a été doublé (300 millions), pour financer l’aménagement des deux nouveaux ateliers de maintenance du TER à Nice, et l’achat des nouvelles rames.

Un meilleur cadencement avec l’ERTMS à partir de fin 2027

A moyen terme, l’autre grand espoir réside dans le déploiement de l’European Rail Traffic Management systems (ERTMS), un système qui permet de réguler et d’améliorer le cadencement, et les fréquences, sur le réseau SNCF. Techniquement, « l’ERTMS géolocalise les trains en temps réel. Cela permet de connaître, à tout moment, leur position et leur vitesse, et ainsi d’optimiser le trafic. Pour prendre une image, c’est comme si vous aviez un limiteur de vitesse très sophistiqué à bord, qui adapte en temps réel la vitesse maximale du train en fonction du trafic et des conditions de circulations (courbes, tunnel…). En option, ce limiteur de vitesse peut être complété d’un régulateur, qui pilote alors la vitesse optimale du train », explique-t-on du côté de la SNCF.  L’ERTMS c’est la promesse de doubler la fréquence de circulation des trains, selon le directeur du projet, Jacques Paulet. « Avec la signalisation actuelle, on est bridés à 5 trains en circulation par heure, un chiffre incompatible avec l’accroissement du trafic. Avec ce nouveau système, les trains circulent à un intervalle compris entre 1 minute 30 et 2 minutes, au lieu d’un intervalle compris entre 4 et 5 minutes aujourd’hui : on divise par deux le temps entre deux trains qui se succèdent sur la ligne. Par conséquent, on a davantage de liberté pour construire des horaires et des cadencements densifiés par rapport à ce qui se fait actuellement. » C’est pourquoi le gouvernement monégasque a investi un montant de 11 millions d’euros pour développer cette technologie onéreuse*.

Un train toutes les 10 minutes en 2028

Pour cette amélioration notable du service ferroviaire, il faudra néanmoins patienter encore trois ans. « Le projet doit démarrer dans les Alpes-Maritimes fin 2027, et s’achever fin 2030. Cela exige qu’à ces dates, les trains soient équipés en ERTMS pour être prêts à circuler dès que le nouveau système sera lancé et l’ancien « débranché » », observe Jacques Paulet.  Ce qui suppose, pour mettre en place ce système, de moderniser les rames existantes pour installer à bord les bons décodeurs, et de lancer des programmes d’acquisition de nouveaux matériels équipés dès leur construction. « Un nouveau dispositif de signalisation (ERTMS) est en cours de déploiement entre Marseille et Vintimille en plusieurs phases. La première concerne l’est de la région entre Théoule-sur-Mer et Vintimille. Elle permettra dès 2028 l’augmentation du cadencement avec un train toutes les 10 minutes », annonce la Région Sud.

A noter que l’ERTMS est également installé en Italie. Ce qui facilitera les trajets transfrontaliers : « À terme, en 2028, le système franchira la frontière, et les deux régions, Sud et Ligurie, pourront envisager des dessertes plus prolongées sans nécessité de changement à Vintimille… »

 

*Le projet de signalisation européenne ERTMS mobilisera d’ici à 2030 une enveloppe globale de 700 millions d’euros…